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What’s In Your Bag ?

Tous y sont passés. Le rock a eu ses perfectos cloués et le grunge ses jeans troués, le jazz ses Stetson et Weston… Musique et look sont liés, indéniablement, et l’apposition n’est pas forcément vide de sens. Ainsi, pour ce qui est du hiphop, énumérer les accessoires arborés revient rapidement à cerner sous-genres et orientations. Nous avons eu le rap-baggy, la rap-Adidas, le rap-complet-veston, le rap-Lacoste (tchh tchh !!) ou plus récemment le rap-lunettes-à-store. Mais, s’il est un attribut vestimentaire qui restera lié au hiphop comme un esprit, un mode de vie, c’est bien le sempiternel sac-à-dos.

« What’s Hiphop without his backpackers ? »… La question du vétéran Fatlip (The Pharcyde) résume ce que le sac à lanières représente pour beaucoup de -plus ou moins- vieux briscards en quête d’authenticité. Le rap-sac-à-dos, c’est celui de la rue, des heures du boom-bap, l’accessoire adossé à Q-Tip, Pete Rock, au Busta des débuts comme aux dizaines de têtes hochantes dans la fosse du Batofar. Si pour beaucoup, les Backpackers se font aussi rares aujourd’hui que leurs mixtapes cassette de collection, il demeure bon nombre de résistants préférant Eastpack à Vuitton. Passage en revue de MCs aux sacoches vides de dollars  mais pleines de bonnes vibesAlors, t’as quoi dans ton sac ??

The Doppelgangaz : Quelques bombes du NY sombre

S’il est une ville dans laquelle arborer une besace bien remplie revient à assurer sa survie, c’est bien New-York. Le duo Doppelgagngaz, formé de EP et Matter Ov Fact a sans doutes parcouru les principaux quartiers de la grosse pomme de fond-en comble pour remplir son sac-à-dos d’influences en forme de melting-pot. A la sortie, on retrouve les ambiances sombres du Queens, les grosses basses de Brooklyn, ou les samples souls de Staten Island, berceau du Wu-Tang. Distribué gratuitement, 2012: The New Beginning, leur premier essai, est, sans en avoir l’air, une des vraies belles réussites de ces derniers mois, pour qui recherche de l’authentique et du (bon) cru.

A.R.M. : Des pompes de rando et de bons potos

Loin de l’accessoire urbain, le sac d’A.R.M. tient plus du compagnon de bourlingue. Les MCs M.anifest, Krukid et le trompettiste-producteur Budo forment en effet une clique cosmopolite : Minneapolis, Seattle, Ghana, Ouganda… et le hiphop comme point de convergence. Forts d’une belle réputation dans le sous-sol aux murs de cuivre, le trio prépare la sortie d’Uprising, premier long format. Et, comme un symbole, ils accueillent sur le clip du très bon « Heaven Only Knows », l’un des symbole des Backpackers modernes, en la personne de Brother Ali. Truth is near.

Intuition : Beats ficelés et strings-ficelle

Sur la côte Ouest, le sac-à-dos, c’est aussi (et avant tout ?) un accessoire de drague, tout comme Ray-Ban et chemise retroussée. Rappeur nonchalant de Los Angeles, Intuiton est un habitué des barbecues d’arrière-cour arrosés, tout comme ses compères Slug ou Nocando. C’est d’ailleurs à la façon (et en compagnie) de ces derniers que le MC dépeint sur ses albums sa vision d’une Amérique authentique et bigarée, tout autant que son (dés)amour pour la gente opposée. Cul-de-sac.

Rhymesayers – Art Mature

Le plus souvent, avoir quinze ans, c’est observer d’en bas des aînés dont on envie le cheminement. Pour Rhymesayers et son créateur Slug, c’est déjà l’âge de raison et la possibilité de se retourner sur son parcours avec fierté.

Si sa date de naissance fait toujours débat, on peut attribuer une trentaine d’années au hiphop. Un âge certain, demeurant néanmoins bien éloigné du Jazz, de soixante ans son aîné. Mais est-il finalement nécessaire de faire figure de vétéran pour afficher une fière maturité ? Tout comme le terrain de jeu de Davis et Coltrane, le rap peut se targuer de compter de multiples sous-genres, influences et sonorités. Le tout, variant selon l’héritage et l’origine de ses représentants, finit par conférer à ce « genre » trentenaire des allures de vieux briscard.

S’il fallait, en appui de ce constat, un modèle de parcours riche et abouti, ce pourrait être celui de Rhymesayers. L’acte de naissance du label fait figure d’exception. Basée à Minneapolis, à des lieues de l’axe Est-Ouest-Sud dominant dans le milieu, la structure est née de la motivation d’un seul homme, Slug, orateur désabusé de son état. L’homme ne répond à aucun schéma. Loin de toute verve « gangsta », dépourvu d’attirail clinquant, Slug est un gosse de l’Amérique moyenne qui a roulé sa bosse, et sa musique s’en ressent. Accompagné d’Ant, DJ et producteur polymorphe, il forme Atmosphere, figure de proue et symbole de l’esprit du label. En douze années et sept albums, le duo a marqué le rap indépendant d’une patte personnelle, dans la veine de lyricistes pince-sans-rire comme Qwel ou Sage Francis.

Face à une discographie sans failles, certains férus de sérénades cuivrées rétorqueront vite que, tout cheminement étant source de rencontres, il serait réducteur de n’avancer en duo. Slug l’a compris, et c’est, les années aidant, une véritable armada de représentants de son art qu’il a su réunir à ses côtés. Murs, Abstract Rude, ou, plus récemment, Freeway et Evidence, sont autant de noms chatouillant l’ouïe du fouineur de vinyles. L’amateur d’expérimentations sur MPC verra lui d’un bon oeil la présence du binaire P.O.S. ou des é(c)lectriques Micranots. Enfin, Rhymesayers peut se targuer de compter dans ses rangs l’un des rimeurs les plus talentueux de ces années de disette, en la personne de Brother Ali. Le rappeur albinos du Minessota possède l’alchimie devenue rare d’une voix puissante et reconnaissable, de textes pensés et pertinents et d’un flow percutant, lui valant la réputation méritée de « précheur du ghetto ».

C’est donc en très bonne compagnie et sur des rails en béton armé que Slug peut poursuivre sa route, dans le sillon crépitant des plus anciens. Et, qui sait, peut-être un jour prodiguera-t-il ses conseils aux jeunes représentants d’un genre à venir, en vétéran aguerri qu’il sera.

Liens

Site du label
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Myspace Brother Ali
Myspace Atmosphere

Article paru dans le numéro de Février d’Openmag